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Des grimaces et des petitsplats
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25 janvier 2013

II- Un rêve ahurissant.

II- Un rêve ahurissant.

 

      Au commencement, des voix –qui ne pouvaient être causées que par un attroupement d’au minimum mille nourrissons- lui parurent surprenantes. En effet, le terrain d’où elle sortait n’était séparé des Aubépines et du jardin que par une  tranquille et petite route (en l’occurrence le chemin de Massillargues), sur lequel on pouvait légitimement s’attendre à croiser quelques voitures (et encore, rarement) et leurs vrombissements de moteurs, mais certainement pas une assemblée de mille bébés occupés simultanément à piailler bruyamment. Hajira sentit sa curiosité se multiplier et s’empressa de se tirer de l’emprise du grillage qui manifestement était décidé à ne pas la laisser s’échapper tant il redoublait de malice pour s’accrocher à ses vêtements. Ce ne fut donc pas sans peine qu’elle parvint à atteindre enfin  l’endroit où logiquement devait se situer le chemin de Massillargues, et d’où semblait provenir toutes ces voix. 

Quelle ne fut pas, alors, sa stupéfaction ! Elle réalisa brusquement que le chemin de Massillargues avait tout bonnement disparut, pour laisser place à une rue des plus intrigante, traversée en tous sens, non pas par des bébés – du moins pas par des bébés humains- mais par … des Poires, des Poires de toutes sortes, des vertes et des pas mûres, des jaunes et presque gâtées, toutes vêtues d’un costume constitué d’une robe longue et d’un chapeau  rond et gonflé et de différentes couleurs troué en son sommet pour permettre à chaque Poire d’y faire passer sa queue, du moins pour celles qui en possédaient encore. Et toutes ces Poires allaient et venaient joyeusement en parlant et criant et riant les unes avec les autres comme s’il était parfaitement naturel que des Poires agissent de cette manière. Hajira pouvait en voir certaines entrer puis sortir de maisons construites en une matière qui ressemblait à du bois mais qui en même temps ne semblait pas en être puisque - du moins en temps et lieu normal- le bois ne s’utilise pas sous forme de briques ce qui pourtant paraissait être le cas en ce pays étrange.

Il est aisé de se figurer l’indescriptible surprise qui saisit Hajira devant ce spectacle pour le moins inhabituel, et il est tout aussi facile de s’imaginer la stupeur des Poires lorsque quelques unes d’entre elles s’aperçurent de sa présence. L’agitation bruyante, mais néanmoins tranquille, de ces extraordinaires créatures se muât immédiatement  en brouhaha et charivari de panique. On voyait de vieilles Poires remuer leurs maigres bras en signe de leur effroi, et d’autres plus jeunes retenues par leur curiosité se faire entraîner malgré elles par  des Poires plus mûres à l’abris dans les maisons de briques en bois. Tout ce mouvement ne dura qu’un bref instant, au bout duquel la rue s’était totalement vidée.

Un vent préoccupant se mit à souffler de part la rue. Une Poire courageuse que Hajira avait vu indécise à travers une fenêtre finit par sortir de sa retraite pour récupérer son chapeau tombé sur le pavé de la rue et que le vent, maintenant, menaçait d’emporter au loin.

Et ce fut tout. Hajira se retrouva seule autant que cela se peut pour une fillette humaine atterri on ne sait comment dans un pays de Poire, au beau milieu d’une rue déserte, entre de petites maisons dont le toit ne montait pas plus haut que sa tête. Pourtant, elle ne se sentait pas seule car, bien que retranchées dans leurs maisons, la plupart des Poires ne pouvant résister à leur curiosité se rassemblaient aux fenêtres pour l’observer avidement, lui permettant ainsi de les scruter à son tour.

Mis a part le fait, déjà singulier,  que ces Poires  étaient douées de paroles et de mouvement – ce que laissait supposer leurs jambes, bras et visage – il apparaissait manifestement à présent que ces créatures pouvaient également s’animer d’émotions, et en juger par leur promptitude à s’enfuir à la vue de Hajira, d’émotions comparables à celles des humains dont la peur de ce qui ne leur ressemble pas n’est plus à démontrer.

Les Poires observèrent Hajira longuement et elle les scruta avec la même attention. Elle comprit très vite quel effet sa présence produisait sur les Poires : elle les effrayait. Aussi, elle se dit après avoir longuement réfléchi que le meilleur moyen  de créer un contact avec elles –chose qu’elle désirait ardemment pour de multiples raisons que l’on devine sans la moindre difficulté- était de leur prouver que ses attentions n’étaient pas belliqueuses. Conclusion facile à tirer mais dont la mise en œuvre est moins évidente surtout si l’on oublie que des Poires ne sont en aucun cas tenus de comprendre le français, détail qui embarrasse d’ores et déjà grandement une éventuelle communication.

« Comment  donc faire comprendre à cette population que je n’ai pas d’intentions hostiles », se demanda Hajira passant en revue dans sa tête les divers moyens de communications dont dispose l’être humain, revue très rapidement bouclée car elle n’en connaissait qu’un : le langage, et malheureusement pour elle, uniquement le langage français. « Il me faudrait donc réfléchir encore – et ce n’était manifestement pas sa distraction favorite -  pour trouver un moyen de communiquer ». Elle se mit donc à réfléchir ce qui se traduisait sur son visage par une grimace peu élégante dont elle ne pourrait sûrement pas se servir pour démontrer sa bonne volonté. Pendant ce temps les Poires l’observaient toujours.

Une idée finit par poindre dans son esprit. Et résolue à la mettre en pratique, elle posa ses mains en porte-voix autour de sa bouche et cria :

« Est-ce que quelqu’un sait parler français ? »

      Elle fut surprise de constater les réactions que suscita cette simple question. La moitié des Poires se pressèrent les mains contre les oreilles - car  elles possédaient des oreilles et également des mains – et l’autre se précipita au fond des maisons pour se cacher un peu plus. Ceci n’était rien cependant comparé à la principale conséquence de son anodine question. En  effet, les murs des maisons se mirent à trembler sous l’effet de sa voix ce qui fut probablement la cause de la frayeur des Poires. Deux choses parurent alors très claires à ce moment : la première était que les murs des maisons n’étaient effectivement pas construits en bois sinon ils ne se laisseraient pas impressionner ainsi par une voix de petite fille, la deuxième, autrement plus préoccupante, était que parler ne pourrait en aucun cas servir à rassurer les Poires. Ce n’est certainement pas en déclenchant un séisme que l’on peut convaincre une population craintive de son pacifisme, bien au contraire.

            Hajira, à court d’imagination, se laissait gagner par le désespoir quand un événement inattendu se produisit. Une Poire (qui paraissait plutôt être «un » Poire) sortit d’on ne sait où, et se pavanant dans la rue, prenant le temps de laisser voir à ses semblables quel courage était le sien pour oser sortir ainsi quand tous les autres se cachaient, déposa un objet sur les pavés. Ne s’attardant pas davantage, elle (ou il) se retira aussi discrètement qu’il (ou elle) était apparu. Hajira se précipita vers l’endroit où l’objet avait été déposé et fut désappointée en constatant que ni la forme ni la couleur dudit objet ne lui permettait de l’identifier, et par voie de conséquence d’en déterminer l’utilité, si bien qu’elle eut brièvement l’intuition qu’il s’agissait d’un objet d’art car sa sœur qui étudiait la philosophie au lycée lui avait expliqué un jour que les «objets d’art n’avaient par essence aucune utilité ». Soit !  Tout de même, un objet d’art n’est-il pas censé être beau ? Car cet objet là ne présentait aucun attrait particulier. « Pour tout dire, pensa Hajira, il est même très moche ! ». Cela laissait présager qu’il devait obligatoirement servir à quelque chose.

            Hajira se mit en tête d’élucider le mystère de cet objet, et bien que cela nécessitât qu’elle réfléchisse à nouveau elle s’y appliqua consciencieusement. Elle commença par le tourner et le retourner en tous sens. Dans l’ensemble l’objet était plutôt rond, mais cela dépendait de l’angle sous lequel on voulait bien le regarder car il pouvait tout aussi bien paraître carré. Il était constitué d’une matière élastique ressemblant à du caoutchouc et tamisé de trous sur la largeur de sa face carrée, enfin, il était si vert que n’importe quel oiseau amateur de chenilles exotiques aurait pu en faire son souper. Quand à sa taille : il couvrait approximativement une des mains de Hajira. Arrivée à ce point de son inspection celle-ci fut bien forcée de constater qu’elle n’en savait pas davantage sur la nature de l’objet. Se pouvait-il qu’un tel objet ne serve à rien ? Se pouvait-il que la (ou le) Poire ne l’ai pas déposé à son intention ? Se pouvait-il qu’elle reste coincée pour la vie dans ce pays où personne ne pouvait la comprendre ? Elle en était à se poser ces effroyables questions lorsqu’elle remarqua que les Poires qui l’observaient toujours, s’étaient toutes mises à pouffer. Elles se moquaient probablement d’elle, et cette certitude finit par la désespérer complètement et à tel point d’ailleurs qu’elle renonça tout d’un coup à tout : à communiquer avec les Poires et comprendre à quoi pouvait servir cet objet… Elle eut l’idée de quitter cet endroit. Elle s’en alla donc emportant le mystérieux objet et prenant une direction au hasard, espérant que tôt ou tard, elle finirait par retrouver le chemin des Aubépines.

            Son espoir fut vain ; elle eut beau marcher, elle ne reconnut aucun des éléments du paysage qui l’entourait comme pouvant appartenir aux environs habituels des aubépines. Ayant quitté la ville à laquelle appartenait la rue où les événements précédents se sont déroulés, elle se retrouva dans une campagne immensément verte et déserte. L’unique habitation qu’elle parvint à y apercevoir, au loin, était un château entouré de remparts. N’ayant d’autres buts, elle décida donc de s’y rendre. Cela fut l’affaire de quelques pas.

            Arrivée devant ledit château, elle toqua à une porte qui semblait être l’unique moyen de pénétrer à l’intérieur des remparts et suite à une brève attente, elle perçu un bruit qui ne pouvait qu’être celui d’une clé introduite dans une serrure. La porte fut alors ouverte précautionneusement, comme par quelqu’un qui ne souhaiterait pas laisser le champs libre à un visiteur avant que de l’avoir identifié. Une tête de Poire finit par se découvrir, qui saisie de frayeur disparut aussitôt en claquant précipitamment la porte. Décidément Hajira n’avait pas de chance. Il fallait pourtant bien qu’elle parvienne à établir un contact, ne serait-ce que pour s’enquérir du moyen de rentrer chez elle !

            Elle tenta de toquer à nouveau. Elle entendit à l’intérieur des bruits qui laissaient sous-entendre qu’un grande agitation animait les lieux, mais personne ne vint lui ouvrir. Au bout d’un moment, elle toqua encore, même bruits, même agitation. Elle sentait bien qu’à l’intérieur on avait peur. Conformément à la description faite précédemment, les maisons (et même le château bien que légèrement plus grand) ne montaient pas plus haut que la tête de Hajira ; cela lui permettait de pouvoir envisager la chose suivante : si elle parvenait à découvrir un objet à l’aide duquel elle pouvait se hisser de quelque centimètres, elle arriverait certainement à regarder par-dessus le rempart. Cela ne lui permettrait probablement pas de régler son problème de langue et d’exil surnaturel, mais aurait au moins l’avantage de satisfaire sa curiosité. Elle entreprit donc de faire le tour des remparts, partant à la recherche d’une échelle ou autre objet pouvant remplir les mêmes fonctions, en pure perte finit-elle par admettre, car les alentours du château étaient parfaitement déserts.

            Lorsqu’elle revint enfin devant la porte ce fut pour découvrir, premièrement que celle-ci était désormais ouverte et deuxièmement qu’une Poire tremblante y siégeait, armée de ce qui aurait pu ressembler à un fusil si ce n’avait déjà été une main géante en éponge rose. Elle était en outre vêtue d’une manière sensiblement différente des autres Poires, puisque son costume à elle, qui avait un air d’uniforme bleu et vert, était complété par un chapeau carré orné d’un feuille- de poirier à n’en pas douter.  Il ne fallut qu’une fraction de seconde à la Poire pour réaliser que Hajira était de retour et beaucoup moins de cette fraction de seconde pour arborer la plus terrifiée des expressions. Un  instant elle parut tenter de se rabattre à l’intérieur des remparts, mais elle semblait suffisamment intelligente pour savoir d’avance que, même en faisant preuve d’une promptitude extraordinaire, elle n’en aurait pas le temps avant que Hajira ne s’empare d’elle et n’en fasse un jus (de poire). Elle choisit donc de brandir d’un air menaçant, bien qu’encore terrifié, sa main géante en éponge rose, se tenant prête à l’action. Cela ne manqua pas d’amuser Hajira qui se demandait à quel mal elle pouvait s’attendre de la part d’une arme si inoffensive.

            Hajira et la Poire se regardèrent ainsi pendant un bref moment, l’une à son amusement et l’autre à sa terreur, puis Hajira décida de tenter le tout pour le tout et de s’introduire sans y avoir été invité à l’intérieur, sans pour cela quitter la Poire des yeux. Mais, à l’instant même où elle amorçait un mouvement, la Poire en la regardant s’administra un violent coup de main géante sur la joue ce qui était aussi burlesque qu’inattendu. Hajira en conçu une tel ébahissement qu’elle en demeura interdite, avant de partir d’un rire tonitruant qui eut un effet catastrophique.

            Tous les murs du château, et les remparts compris, se mirent à trembler, comme cela était arrivé un instant plus tôt. Une nuée de Poires en uniformes se précipitèrent à l’extérieur, affolées. Elles criaient et s’apostrophaient les unes et les autres, sans que leur paroles ne signifient quelque chose pour Hajira qui demeuraient interdite. Parmi le brouhaha indescriptible que son rire avait causé, elle remarqua quelques Poires qui, paraissant plus affolées que les autres, s’administraient de copieuses gifles à l’aide de mains géantes.

            Un instant s’écoula puis, une voix portée, semblait-il, par un haut-parleur ultra puissant se mit à lancer des injonctions :

« Gardez votre calme, disait-elle, ne paniquez pas, regagnez vos postes et attendez les instructions du roi ! » 

Cela ne manqua pas de surprendre Hajira qui depuis le début de son aventure avait supposé que les Poires ne parlaient pas français.

 

* * *

 

            Les instructions du roi ne tardèrent pas. Immédiatement après que la première voix se soit tut, une autre s’éleva. Il s’agissait d’une voix posée, ronde, s’exprimant avec un air d’autorité :

« Restez calme, disait-elle, nous allons tâcher de rétablir l’ordre, et pour cela, notre valeureux ministre Poirillon va se porter émissaire auprès de l’Humaine qui vous cause cette frayeur, o combien justifiée. Gardez votre calme, mes amis. Nous saurons faire face a cette intrusion inattendue. »

Progressivement, les mouvements désordonnés se calmèrent  et la cour qui faisait face au château finit par se désemplir complètement. Enfin, une Poire (ou un ?) sorti par la grande porte du château, descendit lentement les escaliers et s’avança prudemment vers Hajira. Cette Poire portait un vêtement fort  précieux. Sa robe brillait comme un lustre de cristal au milieu d’un salon d’empereur, chacun de ses souliers – qui en réalité étaient des babouches – exposaient en pointant vers le ciel  deux  émeraudes d’un vert très pur. Bien que Hajira ne fut pas habituée a goûter aux charmes des Poires, elle trouva le personnage élégant. Ce dernier arborait un sourire assuré et rassurant qui par lui seul dissipa toutes les craintes qu’avait pu ressentir Hajira jusque-la.

            L’émissaire croisait ses bras derrière son dos. Il se posta en face de Hajira et l’observa d’un air paternel. Il ne disait rien mais il était certain que ses yeux – et a vrai dire tout son être – s’exprimaient. Il eut été difficile a Hajira de traduire la signification de ce discours de silence ; elle en saisissait pourtant toute la profondeur et cela l’emplissait d’un délicieux sentiment de sécurité. L’émissaire attendit longtemps avant de parler enfin, puis il dit :

«  Surtout, mademoiselle, ne parlez pas…. Vous avez pu constater déjà comment un seul de vos mots ou un brin de votre rire peuvent désemparer  et  effrayer mes semblables.  Et je ne parle pas des séismes que cela peut causer ! »

Cet ordre n’impressionnait pas plus qu’un conseil anodin, mais l’on ne demandait pourtant rien de mieux que d’y obéir…

            Maintenant que son inquiétude avait disparu, Hajira pouvait vraiment se soucier de l’incongruité du paysage et il lui paraissait que rien ne pouvait être plus important a cet instant, hormis le fait de se taire. Déjà, les briques de «bois » n’avaient pas échappé a son attention, mais d’autres éléments autrement étranges, tout autour du château, méritaient encore sa surprise. L’on ne peut certainement pas imaginer un verger d’arbres fruitiers – beaucoup trop commun – dans un pays de Poires, et fort a propos, elle n’en vit aucun. Au lieu de ceux-ci, d’étranges plantes, comme sorties d’un tableau de Dali, se pavanaient (et c’est le mot exact) dans un jardin d’anarchisme. En effet, ces plantes qui pour mériter le nom de plantes possédaient nécessairement des branches et des tiges, n’avaient vraiment en commun avec nos habituelles plantes que cela. Les feuilles quand a elles, au lieu de se conformer au vert traditionnel qu’on leur connaît, se permettaient d’arborer des couleurs plus surprenantes les unes que les autres : orange rayée de cyan, saumon a poids bleus, rose, pourpre, reflet d’aurore boréale, caméléon, fruit de la passion, jaune canari poilu, gris éléphant chauve, couché de soleil romantique, sirop d’orgeat grenadine et beaucoup d’autres encore…Si cela encore était tout, Hajira aurait facilement pu s’imaginer n’avoir en réalité que déplacé son regard de l’hémisphère Nord (ou se trouve la France, Avignon, les Aubépines et normalement le chemin de Massillargues), a l’hémisphère sud ou les îles paradisiaques regorges de végétation extraordinaire. Mais, bien entendu, ces plantes sortaient autrement plus de l’ordinaire : Elles marchaient également, se croisaient parfois, se serraient les branches chaleureusement comme pour se congratuler de leur exquises couleurs, et puis enfin échangeaient leurs fruits. L’une offrait une passoire bien mure et recevait un ciré jaune encore vert, l’autre acceptait un capuchon de stylo en fleur et distribuait des objets verts ronds ou carrés dans lesquels Hajira reconnu l’insolite chose qu’elle avait ramasse plus tôt.  Elle faillit en crier de surprise, mais se ravisa soudainement en se rappelant le conseil du Poire. Celui ci sembla deviner son émotion, aussi se permit-il de lui signifier qu’elle devait continuer a se taire en posant simplement son doigt sur ses lèvres. Hajira sortit alors de sa poche l’objet vert et le montra naturellement a son interlocuteur. Celui-ci le regarda, surpris, et en parut fort troublé. Il resta un long moment sans réaction, comme pétrifié d’inquiétude. Puis, soudain il demanda :

« Ou vous êtes vous procure ce mistiminivoix ? »

Bien que ne pouvant imaginer comment Hajira avait pu s’introduire a l’intérieur des remparts a l’insu de tous, il était persuadé qu’elle n’avait pu obtenir le mistiminivoix que dans le jardin royal. Il ne pouvait certainement pas en être autrement ! ! ! !

Hajira s’apprêta alors a répondre qu’elle ne savait pas de quoi il parlait, mais elle fut rapidement rappelée a l’ordre par le Poire… Il ne fallait surtout pas qu’elle parle.

Le Poire se dirigea alors vers le jardin ou les plantes continuaient de se pavaner. Il sortit de la poche de sa robe un petit sifflet a l’aide duquel il émit un son remarquablement mélodieux. Aussitôt, une plante, stoppant net sa parade, vint le rejoindre pour lui offrir en grande cérémonie un de ces étranges objets verts. Le Poire s’en retourna vivement auprès de Hajira. Il se livra alors à   un exercice bien amusant et Hajira crut comprendre qu’elle devait l’imiter, ce qu’elle fit donc consciencieusement. Elle posa d’abord le mistiminivoix  sur sa poitrine, puis respira longuement en faisant grand bruit. Elle le posa ensuite sur son visage de sorte que la face trouée se retrouve en face de sa bouche. Enfin, suivant toujours l’exemple du Poire, elle se mit a parler sans que cela n’ait la moindre conséquence.

Le Poire réitéra sa question :

            «  Ou vous êtes vous procuré ce mistiminivoix ? »

            Pouvant maintenant parler sans soucis, Hajira se répandit en explications, et nota que lorsque le Poire apprit que son mistiminivoix ne provenait pas directement du jardin royal, il  ne fut pas loin de s’affoler.

«  Que peut bien signifier cela ?  Se demanda Hajira.

- Pouvez-vous nous expliquer comment  vous êtes arrivée chez nous ? Demanda alors le Poire qui avait définitivement perdu son calme.

- Je ne sais pas, répondit honnêtement Hajira.

- Il a bien fallut que quelqu’un vous aide ! Réfléchissez !

Le ton de sa voix, a présent, tranchait avec  sa sérénité d’il y a un instant, aussi Hajira en revint a son inquiétude et n’osait plus parler. Pourtant il fallait bien qu’elle réponde, bien qu’elle ne se rappelle de rien ni personne qui aurait pu l’aider a se retrouver dans se pays hors du bon sens… a moins que…. Elle se rappela de la vieille femme qui l’avait obligée a fuir et par la faute de qui elle se trouvait ici. 

«  Il y a bien eut cette vieille femme, dit elle, songeuse.

-          Une vieille femme ! » Cria presque le Poire.

Et maintenant il ne restait plus rien de son calme. Sans prendre la Peine de s’excuser il se mit a trottiner, nerveusement, vers le château, puis arrivé aux escaliers devant l’entrée, il se retourna subitement et revint vers Hajira.

«  Pouvez-vous me décrire cette vieille femme ?

-          Bien sur ! Elle portait une robe noire qui traînait sur le sol, et surtout elle avait l’air effrayant comme une véritable sorcière !

-          C’est grave ! Soupira le Poire. Très grave ! Ne bougez pas ! »

Il repartit et disparut dans le château.

 

*  *  *

            Une heure plus tard Hajira se trouvait dans le château ou l’on avait eu beaucoup de peine a la faire pénétrer du fait de sa taille. Elle était assise au milieu d’un pièce spacieuse – a l’échelle de Poire – ou se trouvait un trône sur lequel trônait le Roi. Elle était entourée d’un escadron de Poires soldats semblables a celle qui avait ouvert la porte des remparts. Toutes étaient armées de gants en mousse rose et se tenaient prêtes a s’administrer des gifles.

            Le roi avait parlé, puis Hajira avait  raconté son histoire, et maintenant le Roi s’entretenait avec l’émissaire. Leur discussion était animée. Les deux personnages, laissant libre court a leur imagination la plus folle, émettaient de multiples hypothèses sur la raison de sa présence chez eux. Dans toutes les hypothèses elle reconnut qu’une part restait constante : il s’agissait toujours d’un complot… la véritable question étant de savoir qui en était l’instigateur. Ils jetaient parfois des regards inquiets vers elle.

«  Il parait évident, dit alors le Roi très haut et en guise de conclusion, que quelqu’un a en effet la fâcheuse intention d’ourdir un complot contre nous. Ce qui évidement nous surprend c’est que cette personne malveillante n’ait pas songer a vous mettre dans sa connivence (il s’adressait a Hajira). Puissiez vous vous souvenir un peu de ce qui s’est réellement produit avant que vous n’ayez quittée votre pays ! Dit-il en se retirant, sur un ton, qui bien qu’il la vouvoyait,  laissait entendre qu’il ne la tenait pas en grande estime. Emmenez-la au cachot » ordonna-t-il, puis disparut.

Hajira qui n’avait même pas l’idée de résister se laissa emmener dans une pièce circulaire ou ne se trouvait qu’un minuscule lit. Fatiguée par tous ces événements et ne songeant nullement a réfléchir a sa situation elle se laissa tomber dans un sommeil agitée. Elle rêva de son frère et de sa sœur qui lui manquaient cruellement.

Elle fut réveillée au beau milieu de la nuit, par quelqu’un qui tirait sa manche. Elle dormait a même le sol et  fut interrompu au milieu d’un horrible cauchemar dans lequel elle était tenu pour responsable, par tous les chefs d’état « fruits » d’un cataclysme monstrueux.

Elle ouvrit les yeux timidement et ne reconnaissant pas sa chambre, elle se demanda où elle se trouvait. Sa première réaction en apercevant  la jeune Poire qui se tenait devant elle fut de crier, et cela étant fait, elle repris ses esprits et se souvint de son incroyable voyage. Elle aperçu près d’elle le mistiminivoix , cet étrange objet qui servait à moduler les voix, et soudain tous les récents événements lui revinrent en mémoire. Elle se remémora également la curieuse facilité avec laquelle elle s’était laissée enfermée et eu  beaucoup de peine à comprendre pourquoi elle n’avait opposé aucune résistance à cet enfermement arbitraire. Cela  lui ressemblait si peu… « C’est sans doute à cause de toute ces émotions, pensa-t-elle dans son demi-sommeil, on a pas tous les jours des aventures comme celle qui m’arrive, et ce n’est pas un rêve. » Elle songea soudain que sa famille devait bien s’inquiéter ! « J’aurais bien de la peine à justifier mon retard… » . Ces tristes pensées furent interrompues par la jeune Poire :

« Bonsoir, dit-elle, poliment.

-Bonsoir ! »

Le ton de cet hôte mystérieuse n’ avait rien de comparable avec celui que le roi avait employé plus tôt. Il ressemblait davantage à celui de l’émissaire, du moins avant qu’il ne découvrit qu’Hajira possédait un mistiminivoix.

« Je m’excuse de vous déranger si tard, dit la Poire, mais j’étais tellement curieuse de vous voir de prés !  Vous savez, vous n’êtes pas la première de votre espèce à venir chez nous, mais d’habitude, personne dans le royaume n’est au courant, mis à part bien entendu les habitants du Pietpouriedde, mais cela ne compte pas vraiment, vous savez.

-          Ah ! Bon ?

-          Oui,  d’ailleurs, je pense qu’on aurait bien peur de vous dans les villes !

-          En effet, se souvint Hajira.

-          Mais, moi je n’ai pas peur, lança la jeune Poire d’un air héroïque, je vois bien que vous ne voulez de mal à personne !

-          Oui, oui…

-          Ils se trompent tous, vous savez. Ils s’imaginent qu’un Coddam de Pietpouriedde vous a conduite ici pour nous menacer. Ce n’est pas vrai n’est-ce pas ?

-          Pas du tout ! D’ailleurs je ne sais même pas la signification des mots Coddam et Pietpouriedde !

-          Oh, vous le saurez bien assez tôt, je suppose que dès demain on vous emmènera à Pietpouriedde, c’est une région peuplées de Poires bizarres, à en croire ce qu’en dit mon père qui est le seul avec quelques autres à pouvoir les rencontrer. Quant aux Coddams il y en a par centaines dans ce pays là, alors vous en rencontrerez aussi. Vous avez bien de la chance, lança-t-elle alors d’un air mystérieusement suppliant, moi je n’ai pas le droit d’aller à Pietpouriedde, et si je parle de Coddams, ce n’est pas parce que je sais mieux que vous qui ils sont ! »

La poire s’était assise sur le lit et tenait sa tête baissée sur ses mains jointes. De temps en temps, elle la soulevait pour scruter Hajira avec beaucoup de curiosité. Elle avait cessé de parler et puisque Hajira demeurait sans voix devant ces révélations – bien que des milliers de questions se bousculaient dans son esprit – un silence  lourd  s’installa. Ne sachant par quelle question commencer, Hajira dit simplement :

« Ne pourrait-on pas se tutoyer ? » Cela lui paraissait déjà un bon début, mais en voyant l’expression d’effroi qui se peignit sur le visage de son interlocutrice, elle réalisa qu’il vaudrait bien mieux continuer à se laisser vouvoyer.

« Comme cette idée est horrible, s’indigna la Poire. Ce serait tellement impoli ! Oh ! En parlant de politesse, j’ai tout à fait omis de me présenter ! »

Hajira réalisa subitement combien le langage  de la Poire était soutenu.

«  Je suis Poirilla de Poirot d’Anjou, fille cadette de Poiret de Poirot d’Anjou, roi des provinces de Poirevuse, Poirbourhône, Poirazur et Pietpouriedde. »

Elle sembla attendre qu’à son tour Hajira décline son identité, alors Hajira le fit poliment :

« Je suis Hajira, fille d’Ali, maître de l’appartement dans la résidence des Aubépines d’Avignon en France et de Navarre ! 

-          Oh ! » Fit la Poire, admirative.

Hajira était ravie de cet effet. A nouveau le silence revint. Poirilla gardait toujours sa tête baissée, et Hajira aurait juré qu’elle avait pourtant quelque chose à demander car sur son visage elle pouvait lire comme une profonde expression de supplication.

« Je me demandais, dis Poirilla, si vous ne pouviez pas m’emmener avec vous a Pietpouriedde… »

Avant même que Hajira n’ait pu répondre, elle ajouta :

« Oh ! Je vous en supplie ! Ce sera sûrement l’unique occasion que j’aurais de visiter cette région ! »

Hajira ne voyait aucune raison valable de ne pas accéder à cette requête. Il serait si simple de cacher la Poire dans l’une de ses poches sans que personne ne  se doute de rien. Par ailleurs, les raisons pour lesquelles Pietpouriedde ne devait pas être visité lui échappaient tout à fait, aussi sentit-elle un évident contentement à l’idée de contrevenir à un règlement qui lui apparaissait d’ores et déjà injustifié. Elle se senti l’âme rebelle, et elle aimât cela.

« Je ne vois pas d’inconvénient à ce que tu…euh…vous m’accompagniez. Cela me fera d’ailleurs même plaisir que vous soyez avec moi ! 

-Oh !Merci ! S’écria Poirilla, comment vous remercier ?

-Eh bien, répondit Hajira, j’aimerais beaucoup avoir quelque chose à manger, si cela est possible.

-          Oh ! Bien sûr ! Je reviens ! »

Poirilla s’en alla en silence et Hajira se mit à attendre et ce

Faisant, elle s’endormit subitement. Lorsqu’elle se réveilla….

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